7.3.16

1121 - Leçons d'admiration

(c) pas moi
1. Alrededor

Je ne sais pas toi, mais j'ai un mal de chien à admirer. Je suppose que mon psy me forcerait à parler de mon père, de ses absences, de cette fois où nous marchions vers le sommet. Mais mon psy me fiche une paix royale depuis que j'ai refermé la porte du congélateur où j'ai caché son cadavre.

N'empêche, ne pas savoir admirer, c'est une tare, non ? J'enviais l'amie, à l'époque, qui se cherchait un maître ; j'ai tenté de ne pas triompher quand elle déchanta. Néanmoins, quelque part dans ma tête se murmurent facilement des critiques, des comparaisons, des remarques amères dès qu'il s'agit de regarder vers l'autre.

Heureusement, j'ai de la chance : j'ai des potes qui m'aident à changer.

2. Exercice 1 - Vies multiples de Jeremiah Reynolds

Peut-être à cause de son physique avantageux (il a des cheveux), de la douceur qui émane de lui, de son charme, de sa spontanéité, j'ai instantanément détesté adorer Christian Garcin (même que j'en ai le caractère qui se met de lui-même en gras au moment où je tape son nom, c'est magique). De là en là, depuis un salon à Voiron qui reste mon bal à la Vaubyessard, on se fait des coucous et on se dit qu'on va se revoir. Sauf que j'ai raté son passage aux Ombres blanches de Toulouse, cominkon. Néanmoins, je me suis précipité pour acheter son dernier roman, Les vies multiples de Jeremiah Reynolds : il s'était produit dans ma tête un amalgame entre ce titre, la tête de Christian, celle de Redford et le nom de Jeremiah Johnson - amalgame heureux, on va le voir.

Mettons-nous d'accord : les écrivains du voyage, comme on dit - les poètes de la poussière, les aventuriers aux semelles de vent - me cassent en général royalement les manivelles. Peut-être parce que mon aventure la plus extrême a dû se situer à Aurillac, et je me perds une fois sur deux sur le chemin de l'aéroport ; mais rin à foutre, j'ai vécu cinq mille vies rien que de chez moi à la piscine, et pourtant elle n'est pas loin.

Jaloux, moi ? Allons donc.Mais, franchement, là non.

Bon. Je ne te raconte pas lesdites vies - puisque c'est le but du bouquin. Qu'il te suffise de savoir que, côté aventures, Jeremiah n'a rien à envier à Corto Maltese, à qui il me fait penser. Et que son destin croise, directement ou non, celui de Poe, de Napoléon, de quelques présidents illustres des deux Amériques et de tout un tas de personnages plus ou moins recommandables ainsi que d'un cachalot.

Blanc, de surcroît.

Un roman interminable en moins de 180 pages. Un roman d'aventures - mais alors comment te dire ? Un roman où l'aventure, en permanence, n'est pas où on l'attend. On l'aperçoit au loin, on la frôle même, mais sans bravoure, sans grandiloquence. Comme une symphonie épique sifflotée par un homme marchant auprès d'un âne vers le puits.

Un peu désarçonné, au début, par la longueur des phrases (il manque un point d'interrogation p.19, enfin, Christian...), je me suis quand même fait embarquer, comme un bleu - parce que peu à peu, et en sourdine, en arrière-plan, la langue se transforme pour glisser du majestueux au léger, au sautillant, au décalé.
Je serais encore prof de, je te parlerais des plus beaux passages où Stendhal se moque de Fabrice - tu vois ? Hé bin pareil.

Et puis - parce que j'ai envie d'en dire mille choses mais c'est pas tout ça j'ai un boulot - il y a la fin. Le glissement des vies aventureuses vers un repos incertain.

Ca, je sais pas comment te le dire. Quand un type t'a fait voyager à travers le monde pour, à la fin, te tapoter l'épaule et te faire - t'as vu ? C'était ça que je voulais te montrer -

(Et toi tu l'avais déjà vu, mais autrement, moins largement, san regarder vraiment, jamais avec le fracas et la beauté du monde encore dans tes yeux, bref, tu ne sais plus si tu as envie de pleurer ou de sourire, de chérir ta vie ou de la recommencer à zéro)

Bin ce type-là, qu'est-ce que tu veux faire ? Tu l'admires.

Et tu recommandes à ceux que tu aimes de le lire.

3. Jamais un sans deux

La douceur, la patience, la minutie, la détermination - ça oui je l'admire chez un homme. Du coup, tu imagines que je fus ravi, jeudi dernier, d'aller écouter Benoît Séverac parler de son oeuvre (le mot n'est pas ronflant, c'est bien qu'il présentait trois bouquins à la fois) à la librairie La Renaissance. Le chien arabe, Little Sister et On ne peut pas faire ça à Guy Novès - je te dirai très vite comment je les admire.

4. Rien à voir mais

Te rends-tu bien compte qu'en écrivant ici je concurrence le ranking du linking de mes likes sur le back-office du référencement de mon site ? Et que j'ai failli quitter facebook tout à l'heure et ne l'ai gardé que pour pouvoir chatter avec des auteures américaines et autres copains qui y glandent en même temps ? Bref, comme le dit je ne sais plus qui, je me mets peu à peu à une écologie de l'attention.
Mais c'est pas facile.




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