13.6.13

1045 - Toucher n'est pas jouer

1. Comme des bêtes

Et comme souvent, c'est par hasard que je vois un film - venu là pour un autre, après une erreur d'horaire, et la caissière qui insiste - si, si, vous verrez, c'est vraiment. J'hésite un peu sur le pitch, ça se passe en Hongrie, avec des Tziganes et des meurtres. Un instant, je songe repartir, et puis quoi ? Toujours regarder des oeuvres confortables ?

Je m'installe. Des gens chantent autour d'une tombe.

Confortable, le film ne l'est pas. Il commence dans la pénombre d'un matin. Gestes quotidiens. Lents, très lents. Insignifiants - comme le destin de la mère, qui attend le minibus pour aller nettoyer les papiers gras aux abords d'une autoroute.
Les abords. Les lisières. Les franges. C'est dans ce monde de débris que nous avançons, avec elle puis tour à tour ses deux enfants. La fille va au collège, le garçon fait l'école buissonnière. Le père est parti - au Canada, où il les fera venir, c'est promis. Il y a aussi le papy, qu'il faut nourrir à la cuillère. Qui grogne au lieu de parler. Animal.
Animal comme les garçons qui bousculent les filles ; animal comme l'homme qui s'emporte, alcoolisé, contre un passant - des chiens aboient en arrière-plan, sous-titres de l'algarade. Animal comme les yeux baissés de la fille et de la mère, filmées au plus près - ne pas lever les yeux, ne pas déclencher la colère, passer inaperçu. Ne rien voir - se glisser dans les scènes quotidiennes, la salle de classe ou les étranges dépotoirs où s'agitent drogués, alcooliques, paumés. Quasiment rien ne s'échange - à peine un baiser sur le front, un dessin échangé, une fillette avec qui on joue. Le monde est minuscule, étouffant, autour d'eux.
Mais un panneau nous a prévenus dès le début : quelque chose rôde. Malgré les dérisoires milices, malgré les policiers hésitant entre indifférence, mépris et haine raciste. Quelque chose tourne dans les bois abandonnés - peut-être le cochon de la famille tzigane assassinée quelques jours plus tôt. La tragédie s'avance, lente comme un jour mort. Et la nuit vient.

Il y a des films - je le disais hier - qui touchent. Et il y a des films qui habitent. Celui-là en est. A l'heure où l'Europe semble à nouveau grignotée par le spectre brun, à l'heure où l'indifférence est quasiment de mode, où, après tout, c'est aux autres de se débrouiller - ce regard rivé sur les autres, justement, sans explication ni pathos ni effet, est important. Salutaire.

Just the wind.

2. Devant nous le poète

(Découvrant l'invisible) : Devant nous le poète ! Arhh ! Arrrh
Ouste, fiche
le camp, dégage, vermine, infamie.
(se calmant un peu) Femme aux souliers vernis
Féminine, humanisée
(soulagé)
Oh, c'était toi, mon ombre ? Je ne t'avais pas
reconnue, connasse.
Que dis-tu ? Que j'exulte
Que j'exsude la peur la haine la crainte la crasse ?
Merci, merci ma belle, mon beau, moi aussi je t'aime
Moi aussi
Et maintenant dégage avant que je t'enferme
Et t'extermine
Je t'interdis m'entends-tu ?
De m'être extérieure
Ronge-moi de dedans, je t'en supplie mon ombre
Rends putride mon souffle odieuse ma voix
Rends-moi mort et sec et stérile
Parcheminé, rends-moi
la mort que la vie me vole rends-moi
la haine qui me rend si fort.

(le poète, pleurant :)
Attends que je respire,
attends que je silence,
attends que je retrouve
la force de t'aimer.

(il redevient invisible).

Da capo.

3. Et sinon

Sinon, hier, un statut en forme de point godwin m'a poussé à me dire que, décidément, FB et autres filets sociaux pouvaient se passer de moi un (long) moment.
Le blog est mort, vive le blog ?


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