1.4.10

851 - The day after


1) Mon papa, ton papa

- Mon papa est le plus fort du monde ; c'est un grand voyageur. Il a traversé un désert et des frontières pour arriver ici. Il dit que, là où il était avant, des hommes avec des pistolets le poursuivaient et l'empêchaient de vivre.

- Mon papa a un pistolet ; mais il n'arrête que des méchants qui ont fait des bêtises. C'est le plus fort du monde, mon papa.

Ton papa et mon papa jouent à la guerre, devant l'école. Ton papa fait semblant de tirer sur le mien ; mon papa, pour nous faire tous rire, se couvre de caca.

Nous essayons de trouver ça drôle, mais j'ai un peu envie de pleurer.

Le papa d'un autre petit garçon est le plus intelligent du monde ; il dit des mots comme "immigration choisie", "respect des frontières", "clandestinité". Il raconte que mon papa n'a pas le droit d'être ici, qu'il triche, qu'une autre maman et d'autres garçons l'attendent dans son vrai pays.

Cette fois, je pleure. J'ai l'impression que c'est moi qu'on couvre de caca.

Je vois partir mon papa, ce matin, avec le tien qui l'accompagne. Des gens nous parlent, des gens crient. Il paraît qu'on veut nous aider, il paraît que la Justice.

Je ne sais pas qui c'est, la Justice. Je ne sais pas qui est son papa. Je croyais que c'était une personne sage, qui voulait que tous les papas du monde soient libres et égaux.

Mon papa était le plus fort du monde. Pourquoi l'ont-ils emmené ?


2) Prudence est mère de Sûreté
Oui, il est possible que nous nous trompions, que Facebook et Twitter et autres blogs ne nous servent qu'à exalter une pseudo-bonne conscience, que nous défendions des cas indéfendables, inconscients que nous sommes des réalités économiques et administratives, ainsi que de la ruse et de la mauvaise foi de personnes qui ne veulent au fond que profiter de notre richesse. Il est possible aussi que nos petites actions de textes et d'images ne servent à rien.

Mais ce matin, comme tous les matins, le type dans la rue qui fait la manche sur les marches de la boulangerie m'a souri. Et je lui ai donné ma petite monnaie, parce que je me fous d'être le mort le plus riche du cimetière. Est-ce que je me suis acheté une conscience, ou est-ce que j'ai échangé quelque chose avec un être humain ? Je m'en fous un peu, au fond.

Le texte ci-dessus est donc inspiré par les récents événements au sujet desquels Thierry Lenain, infatigable défendeur des droits de l'homme, n'a de cesse de nous alerter depuis plusieurs semaines : l'arrestation et la menace d'expulsion qui pèse sur Guilherme Auka Hazanga.

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