31.3.09

646 - Mardi, je te raconte


Cette nuit-là, c'était la pleine lune.
Les plantes les arbres les animaux le sentaient : il y avait davantage de lumière, davantage de danger - d'excitation, aussi.
Les coyotes à dents de tigre, les tigres à dents de chacal, les rhinocéros laineux, bref, tous les mammifères bizarres de l'époque (sans compter les insectes les sauriens et d'autres que j'oublie) hurlaient à coeur joie, se couraient après pour se faire des mamours ou se filer des coups de dents.

Et, pendant ce temps-là,
Rahoul pensait.

Oh, il la sentait bien, la pleine lune, lui aussi ; il n'avait aucune envie de dormir. Il regardait les presqu'ombres qui s'agitaient sous les arbres, il écoutait le bruit blanc de l'air nocturne.

Et il pensait.

Il pensait à la lune (dans sa tête, cela s'appelait "Gros truc qui vient la nuit et parfois est rond parfois disparaît, pff, c'est trop long je vais dire lune). Et il pensait que quelques nuits auparavants, il avait trouvé que la Lune ressemblait à ce qui se passait quand il se coupait un ongle.

Sauf que là, ce n'était plus pareil.

Rahoul venait de faire l'expérience de l'analogie, et celle, du même coup, du changement.

Il fit ce truc bizarre. Comme pour s'expliquer cette histoire de lune, il prit un bâton et, sur le sable, dessina quelque chose qui ressemblait à un ongle qui ressemblait à la lune ; puis, juste à côté, il dessina quelque chose qui ressemblait à la pleine lune.

Quand il eut terminé, il posa le bâton et regarda alternativement la Lune-dans-le-ciel et les Lunes-que-le-bâton-avait-tracées-par-terre. Il y avait indiscutablement une analogie entre les deux.

D'une certaine façon, cela rassurait Rahoul, de voir qu'il pouvait faire exister la lune-ongle en même temps que, dans le ciel, s'affichait la lune-ronde.

Cela le rassurait, et cela l'effrayait un peu. Parce que la lune-ronde du ciel était mieux dessinée que la lune-dans-le-sable, et que pour bien faire, il aurait fallu que la lune-dans-le-sable soit, comment dire, plus... enfin moins...

Cette nuit-là, Rahoul inventa la comparaison, le cercle, l'art, et le mal de tête.

30.3.09

645 - A walk in the park


Sous les fleurs de camélia le merle
Me regarde l'oeil rond
Remuer encore la terre sèche

(Tous les clochards de l'avenue m'ont dit bonjour,
mon amoureuse pleurait sur ma froideur)

29.3.09

644 - I did it


Plus personne ne commente = plus personne ne lit : j'en suis donc arrivé à ce stade littéraire où les mots qui sortent n'appellent plus d'écho, mais un silence respectueux. J'hésite entre postuler à l'Académie et me faire peintre, ou homme de maison.

N'est-il pas temps que ce blog périsse de sa laide mort ? Que je laisse tomber ce dernier petit morceau de colère pour en arriver à la résignation ?

Il fait gris vert sur Toulouse, et conséquemment dans ma tête. Tant de choses s'ont brisées ces derniers jours qu'il ne me reste plus qu'à me laisser glisser sur la toile comme à la surface de l'eau.

Hop, hop, hop : je cherche le courage d'avoir de l'espoir.

J'ai parfois l'impression de retomber en enfance amoureuse.

Je suis inquiet pour mes enfants, inquiet de mon manque d'inquiétude pour mon amoureuse. Inquiet de mes amis, et de mes dépendances.
Je me demande si je ne suis pas un peu inquiet, comme garçon.

Sinon, vous, ça change d'heure ?

28.3.09

643 - Oser du matin


Le vent a dû changer
On entend
Les deux coups brefs
D'un train en approche

Le temps a dû changer
Les murs de notre chambre
Sont bleu pluie ce matin
(et les graines murmurent dans les fuites des cryptes)

Je me lève avec
(le métal de l'alcool et des mots de la veille)
Beaucoup de corps pour un seul sexe,
Beaucoup de sexes pour un seul mort,
Et le rêve que l'envie de rester au lit soit plus forte
Que le besoin de gagner des dollars
Que nos corps soient plus forts
Que notre maladresse
Insigne à se heurter
Au trop connu déjà

Lever.

27.3.09

642 - Ghostbuster


Quelques fantômes s'agitaient
Sur la vitre de mon ventre
Comme ces poissons des rêves
Dans les profondeurs

Aux dents de carnage
Au secret bien gardé

Quelques poissons
Menaçaient de dissoudre
L'aurore d'un jour
Trompeur, jamais commencé

Je fuyais au plus vite
Des trucs improbables comme
L'amour,

Toutes ces conneries
Qu'on vend dans les supermarchés dans des blisters de six,
Au creux des packs de bière ou, hélé, à la sauvette,

Je rêvais d'un avenir amorphe, ajonc en bord d'étang,
Débarrassé de la consommation abusive
De l'espoir, des sentiments
De l'illusion de dire

Il était 13h13 ce jour de mars 2009
Il me restait 13 ans à vivre
Sans l'espoir un jour de pouvoir acheter une montre de luxe,

Franchement,
Ma vie déjà était ratée,

Je n'osai pas pousser l'ineptie jusqu'à
Ecrire des lignes
Pour pêcher les poissons
Accrocher les fantômes
(et les suspendre à mon balcon comme les draps de fête prouvant la bravoure de l'amant).

26.3.09

641 - It was


Ce n'était au fond qu'une marche,
Promenée dans le sable sans départ ni but,
Où nous jouions avec le sable
La grâce blanche des embruns


Ce n'était au fond qu'une marche,
Sur un chemin sans peur ni tête
Entre les murets et les ronces
Pendant que le printemps perçait

Ce n'était au fond qu'une marche,
Pied droit, pied gauche, recommencer,
Même si parfois immobiles
Le vide nous apparaissait

Et nous rêvions, sous la pluie claire,
Du prochain pas et du dernier
En confondant l'un avec l'autre
Quand le froid nous saisissait.

25.3.09

640 - Le type


Nicolas Ancion est auteur et belge - ce qui est tout à son honneur. Par l'entremise de Facebooooook, il m'a donné ce texte à lire, qui m'a remis plein de là où il faut, et que je vous passe derechef sous le coup de l'enthousiasme.

De cet texte, il dit qu'il est paru dans Sans Etat d’âme, aux éditions du Cerisier, ouvrage collectif en soutien des inculpés du Collectif contre les Exclusions, et qu'il le republie parce qu'il est suis allé voir Welcome...





Moi, je veux bien qu’on fabrique des murs, qu’on aligne des grilles, qu’on tresse des barbelés, qu’on colle des tessons de bouteille par-dessus tout ça, qu’on mette des caméras sur de très haut poteaux, comme des girouettes en rase campagne, et des chiens enragés pour pisser au pied de l’ensemble, l’écume au museau, grognant de plaisir, la canines luisantes, au bout du bras de leurs maîtres en uniforme et en armes, je veux bien, je vous dis, qu’on ajoute un mirador et des faisceaux lumineux pour balayer les environs, qu’on tape même un peu dans les mollets s’il le faut, qu’on lacrymoge, qu’on disperse, qu’on arrête administrativement, qu’on embarque, qu’on garde à vue, je veux bien qu’on rapatrie même, qu’on expulse, qu’on interne, qu’on mette de l’autre côté du mur, je veux bien, du moment que des imbéciles comme moi on voté pour, je n’ai rien à dire, je suis pas contre
qu’il disait le type
mais alors
qu’il ajoutait
j’aimerais bien qu’on puisse pisser aussi, nous, sur leur mur, comme leurs chiens, et montrer nos canines, et boire le vin qu’il y avait dans les bouteilles avant qu’elles ne tessonnent, je voudrais bien qu’on récupère les grilles pour faire un barbecue, les maîtres en uniforme pour qu’on les déshabille et qu’on s’en fasse des copains, puis qu’on se tape un peu dessus, comme ça, avec des mots, que le ton monte, qu’on se manifeste, qu’on s’engueule, qu’on défile, qu’on montre les poings, les banderoles, qu’on s’enchaîne, qu’on se disperse puis qu’on se regroupe, j’aimerais bien, moi, qu’on revienne en force, qu’on ne laisse pas tomber, qu’on tienne bon, qu’on fasse le pied de grue, qu’on soit tous au pied du mur, j’aimerais bien, oui
que ce ne soient que de mots
que derrière le mot barbelé il n’y ait pas vraiment des types qui ont traversé la moitié de l’Europe en camion que derrière le mot Europe il n’y ait pas le mot frontière ni le mot forteresse
ni tous les autres mots qui sentent le renfermé
sécurité, papiers, contrôle, permis, ordre public
j’aimerais bien moi,
qu’il disait le type
et il avait l’air d’y croire
qu’on les mette deux trois jours dans leur centre pour réfrigérés, ceux qui ont voté pour, et ceux qui ont voté pour ceux qui ont voté pour, je veux dire moi aussi, et tous les autres avec, qu’on nous fasse une journée, une journée rien qu’une seule, comme un petit cauchemar dont on se réveille heureux, avec l’autre rôle, celui du gars pas né ici, de la femme d’importation, du gosse en exil, sans les permissions, sans le pognon qu’il faut bien, sans la famille, sans les amis ni rien, sans la téloche et les allocations, sans les bulles dans la bière et les trajets de bus, seul tout seul dans une grande ville grise, dans un pays tout gris avec des gens tout gras, sans personne pour qui voter, sans droit de vote, sans droit tout court juste une journée,
qu’il disait le type
j’aimerais bien
dans un camp à Vottem, c’est pas loin de chez moi, ça m’arrangerait bien, mieux que les autres centres avec des noms imprononçables et des gardiens flamands, un petit centre à la campagne, c’est marrant qu’on mette les centres si loin de tout, en périphérie, ils portent bien mal leur nom, c’est comme les sans papier qui doivent en remplir tout plein, justement, pour tenter d’en obtenir, mais ça n’a pas d’importance
les mots
je parle d’autre chose
qu’il disait le type
j’aimerais bien qu’on se retrouve dans le centre, tous ensemble, pour qu’on prenne le temps de faire connaissance, entre papiers, entre ceux qui en ont et qui les méritent, je veux dire moi et tous les autres, les ceux qui sont nés au bon endroit, qui ont fait ce qu’il faut pour, qui n’ont rien à se reprocher, et qu’on discute un peu entre nous, pour savoir ce qu’on peut vraiment reprocher à un type qui veut profiter un peu, juste comme nous, de la planète où on a mis les pieds, qui est prêt à respecter, juste comme nous, les règles qui ont été décidées par d’autres, sauf si elles ne le laissent pas vivre, juste comme nous, quand on ne paie pas l’horodateur, qu’on se gare sur le trottoir, qu’on monte dans le métro sans payer, qu’on jette des piles dans le sachet jaune ou qu’on ne règle pas sa radio-redevance,
comme nous, qui serions tous ensemble, dans le joli centre à la campagne, contre notre gré mais tellement heureux, nous ne plaindrions pas, j’en suis sûr, c’est tellement beau la vie fermée, on la connaît si mal
mais je rêve
qu’il disait le type
tout le monde le sait, on ferait mieux de ne jamais mettre les pieds dans ce centre-là, surtout pas pour se plaindre au nom des autres, surtout pas pour essayer de faire comprendre à ceux pour qui on a voté et qui ont voté pour qu’on est contre, tout contre, très contre, tellement contre que les gens qui sont dedans mais dont c’est le métier voudraient qu’on aille plus loin et que les gens qui sont dedans mais dont ce n’est pas le métier, qui sont là par punition, voudraient aussi qu’on aille plus loin, qu’on ne s’arrête pas, qu’on les sorte de là, avec des mots, si possible, sinon avec autre chose, des lois, des textes et une chance
une seule
d’être de l’autre côté, du nôtre
mais avec les papiers
je rêve
qu’il disait mais
j’aimerais bien qu’on se retrouve à l’intérieur du centre, entre nous, une fois, pour discuter pour de bon, de ce qu’on va en faire de ces mots qu’on a inventés le mot Europe
le mot liberté
va-t-on se les garder au chaud rien que pour nous et pour nos enfants à nous
va-t-on taper sur les doigts de tous ceux qui voudront y goûter
le mot forteresse
le mot ordre public
va-t-on les défendre contre ces types mal pensés qui s’accrochent à ces vieux mots
combat, lutte, mouvement, protestation
ces mots d’un autre temps, d’un autre lieu
rien à voir avec nous
rien à voir avec les mots que nous aimons
le mot Europe
le mot barbelé

Moi, je veux bien qu’on les laisse en place, les centres et les règlements, les cerbères et les enfermés, les chefs et sous-chefs, les gendarmes rebaptisés, les coussins, les avions, les lieux d’attente, les expulsions, les isolements, les enfants sans famille
je n’ai rien contre
si vous dites que j’ai voté pour
c’était quand déjà
je ne me souviens plus
je n’ai pas bonne mémoire
les barbelés, les expulsions
connais pas
les camps
non plus
c’était pour quoi
encore
je ne sais plus
je ne suis pas contre
du moment qu’on peut encore ouvrir sa gueule pour dire qu’on ne la fermera jamais



24.3.09

639 - Mardi, je te raconte


Or donc Rahoul se tenait dans un arbre, tandis que son papa se battait avec un tigre à dents de sabre (et je sais que tu préfèrerais peut-être une autre histoire, ou que j'écrive moins souvent, surtout depuis que tu as commencé une très belle histoire toi-même ; si c'est ce que tu souhaites, il faudra poster un commentaire, je peux te montrer comment faire).
Et Rahoul regardait au loin, vers derrière les arbres et la plaine. Il se disait :

- Un jour, je marcherai jusque là-bas, et je trouverai un endroit où nous serons tous à l'abri. Je trouverai une clairière, et je construirai une, comment ça s'appelle, un truc avec des murs épais et un toit solide, zut, il n'y a pas encore de mots... j'appellerai ça une maison. Nous vivrons dans un lieu où tout sera facile : nous aurons à manger et à boire autant que nous voudrons, et quand il fera froid nous resterons au chaud, et nous pourrons dormir et jouer autant que nous voudrons."

Voilà ce que se disait Rahoul en regardant vers au loin. Son père, qui l'avait rejoint sur la branche (un petit bout de pied en moins), lui tapota l'épaule et lui dit :
- Arrête un instant de rêver, mon grand. Peut-être que ce futur arrivera, peut-être pas. En attendant, tu me fais un câlin ?"

Parce que bon, les câlins, ça donne chaud et ça repose, un petit peu. Et ça donne encore plus de force pour se lancer dans la plaine.

A la semaine prochaine, mon beau.

23.3.09

638 - A peine la force



J'en peux plus, moi,

à force de me poser des questions, je m'épuise. Ca m'a conduit au bord du silence, jusqu'à ce qu'on me rappelle que tout cet épuisement pouvait passer pourvu que je termine des choses.

Alors voilà, j'ai mis le mot FIN à un gros truc provisoirement intitulé Ma vie n'est pas un roman, bordel !, et je tourne la page ; oups, je me sens mieux. Je me sens, quoi.

Then, et parce que c'est pas le tout de faire du vélo autour de sa dépression, voilà des promesses d'émerveillement en rafale :



- Désolés pour le chien, pièce amorale à quatre mains, cinq personnages et une voisine dépressive, se joue jusqu'au 28 mars : précipitez-vous y, elle est à présent certifiée par mon club de rugby ;

- demain soir, vous pourrez écouter Patricia Parry et Emmanuelle Urien en lecture à la librairie Le Scribe à Montauban ;

- le mercredi 25, à 17h30 sur Radio Mon Païs (existe aussi sur Internet), vous pourrez écouter quelques Lofiteries

- le beau Cyrille Pomès expose Sans rancune ses extraits de carnets à l'atelier- expo Pourrinet/Zofer ; vernissage vendredi 27, où on pourra peut-être se faire dédicacer son dernier album Chemin de Fer ;

- le vendredi 3 avril, aux environs de Decazeville (Aveyron), vous pourrez écouter une lecture en duo avec Emmanuelle Urien.

Et pis j'ai la flemme de mettre les liens

22.3.09

637 - D'autres questions que je me pose


- Quand tu me dis que tu m'aimes, est-ce que tu me demandes quelque chose ?

- L'homme n'est-il qu'un grand singe qui a plutôt réussi ?

- Est-ce que vivre, c'est vivre mieux ?

- Quand on offre, est-ce grave d'attendre en retour ?

- Au fond, suis-je un spermatozoïde qui a réussi, une cellule qui a fusionné avec une autre, ou le fruit de la divine rencontre de deux êtres qui s'aimaient ?

- Comment fait-on pour s'aimer toujours ?

- Le mode connard est-il une façon de vivre ?

- Amour ou amitié : pourquoi choisir ?

- Eclaircir les semis est-il un crime contre l'humanité ?

- L'amour, c'est-y pas un peu le pouvoir de tuer et de créer ?

- Peut-on aimer pareil plusieurs personnes ?

- Faire des enfants, c'est être héroïque ?

- Fusionnel, c'est irradiant ? Irradiant, c'est dangereux ?

- régresser, agresser, transgresser : pourquoi choisir ?

- engraisser, dégraisser : les mammouths ont-ils besoin de nous ?

- Peut aimer plusieurs personnes autant ?

- Est-ce que tu m'aimes ?
- Est-ce que tu m'aimes comme je t'aime ?
- Est-ce que tu m'aimes exactement comme je t'aime ?

- Dois-je tuer Manu Causse ?

- Pourquoi a-t-on si peur de copier ?

- Doit-on se mettre en vrac pour se comprendre ?

- Sinon, vous, ça va ?

636 - Questions du jour


- As-tu vraiment besoin de te faire remarquer ?

- On pense à quoi, le lendemain de sa première partouse ?

- La poésie, ça sert à dire la beauté ou à éviter de plier le linge ?

- Finir une histoire d'amour, ça veut dire quoi ?

- Si c'était autrement, ce serait mieux ?

- Vaut-il mieux vivre ou exister ?

- Sais-tu que je t'aime comme moi-même - c'est-à-dire en vrac, dans le doute, les larmes et les sourires ?

- A-t-on le droit de penser de ses amis qu'ils peuvent être des connards ?

- Répondre à des questions par d'autres questions, n'est-ce pas le meilleur moyen d'éviter les réponses ?

21.3.09

635 - Samedi, parle à Dieu

Questions de la semaine :

- Crois-tu que mes enfants me diront un jour Tu t'en souviens papa, quand on a renversé Nicolas, tu te souviens papy, quand on renversé Sarkozy ?

- Le pape aggrave-t-il l'Eglise ?


- Peut-on sortir du Purgatoire pour aller en Enfer ?

- T'en as fait quoi, de mes ancêtres qui ont aimé et pêché - barre ça, de mes ancêtres qui ont vécu ?

- A quoi sert la prière, si tout est décidé d'avance et pour l'éternité ?

- T'es là ? Parce que moi oui, je crois.

- Tu as vu Désolés pour le chien ? Je trouve que c'est une pièce relativement amorale. Le président-chef des Gonins en a même dit "Ce qui me gêne, c'est qu'il y a beaucoup de vrai".

- Tu me files un coup de main, pour le ménage ?

20.3.09

634 - Live du fond du trou


Je suis très fort en trou, vous savez. J'ai grandi au bord d'un.

Et puis, de temps à autres, j'en visite. Là, tout récemment, j'y étais.

Oh, pas panique. Les potes les amours les souvenirs sont là, et puis les projets aussi (toute une mer de projets, peut-être bien à trier, vous m'aiderez ?)

De fait, j'ai appris à demander de l'aide, et il y a autour de moi plein de beaux visages beaux coeurs qui bienveillent à tour de bras (bienveillent suffisamment pour que leurs conseils me touchent).

Et même si tant de belles choses à vivre qu'on voudrait toutes les dire, hé bin, ça a l'air d'aller mieux. Oh, bien sûr, j'écrase de temps à autres une larmichette sur mes joues burinées (c'est mon côté émotif), je sens une colère monstrueuse au détour d'un simple geste (je cherche pourquoi), mais bon, l'un dans l'autre, ça va mieux

car Fiancée (c'est officiel) me dit "en même temps, Dupond, tu culpabilises pour tout - si t'arrêtais ?"

Je lui rétorque qu'en tant qu'être humain, je suis responsable du génocide de tous les autres spermatozoïdes qui ne sont pas devenus moi.

Et puis je me dis qu'effectivement, je tends à culpabiliser.

Il est toujours temps d'apprendre, non ?

J'apprends à vivre. Tous les jours.


Et je le dis à la cantonade : je nous aime.

633 - Signes, le retour


Puisque tu crois aux signes,
Que te disent
Ceux que tu dessines ?

19.3.09

632 - J'ai peur de


Faire du mal aux autres
en étant moi

631 - Je devrais voir quelqu'un


C'est à cause d'(aime à nu) elle,
évidemment
ou grâce à elle (mais en lien c'est certain, c'est certain ?)

je devrais me taire, arrêter,
sécher ces grosses putes de larmes,
me décider choisir éponger une bonne fois pour toutes ce

je devrais voir quelqu'un
comme si parler de moi en permanence ne suffisait pas, en rajouter

Je connais le goût que fait le fer bleu dans la veine

Je préfèrerais être sûr qu'elle n'a aucun rapport avec cette histoire,

qu'elle n'existe pas,

qu'elle n'est qu'une femme que j'imagine (c'est toi le scotome), je voudrais la quitter je voudrais qu'elle me laisse

je rêve d'une main sur mon épaule, ridicule (ça ne ressemblerait à rien sans le bras).

630 - With a little help


Balcon entouré d'arbres - sous le soleil ravi Le bourgeon parfois doute-t-il ?



Joli épisode hier de colèrecrisviolencelarmes,
seul face à moi-même (nous étions trop nombreux).

Je rêve de mains sur mon épaule, j'écris en silence à mes amis.

629 - Que sont mes amis devenus


Oïe. Ca me fait tout drôle d'être de retour.

Je pensais que quelques jours de vacances allaient éclaircir un peu mes idées, me donner un peu de recul de distance, me permettre d'écouter ce que le monde murmure...

C'est plutôt gagné. Images sons lumières, paroles souvenirs sensations et sourires, j'ai cueilli des bonheurs dans les brumes (printanières) des Nords. C'était bien ? Je ne sais pas, je n'ai pas développé les photos.

Les houit des belges, les oeufs qui font tenir le vent,
Un kebab au métro à Bruxelles,
Le salon de Bérengère (et le match Yourcenar-tzatziki)

Jouer au volley sur une plage, à Gand,

Un canari qui chante à chaque orgasme (rarement, donc)
Un zèbre qui m'intimait de fuir,
L'hôtel Georges V jouait à disparaître

Des gens biens qui font de belles choses
qui me rendent muet,
(L'impression encore que quelqu'un
jouait se jouait me jouait
et que j'allais perdre)

Then Paris it was,
Paris et ses serveurs de bière
qui aboie au-dessus de nos têtes sur les verres qui collent,

Paris et ses salons où je me sens
Parfaitement mal à l'aise,

Quelque chose a brillé un instant
(peut-être des cigarettes)
et je me suis détesté très vite d'aimer

Le printemps qui venait.



Voilà les nouvelles.

Et le retour ?

Tout aussi épuisé épuisant incompris essentiellement de moi-même, vaguement dégoûté. Hier soir, les amis et les fils m'ont recueilli à la petite cuillère. Marre de ce truc qu'on appelle moi, va t'en savoir, il doit exister une explication. Peut-être même rationnelle.

Puis dormir, rêver peut-être, cesser de croire.
Quelqu'un joue So What dans l'arrière-plan de mon âmelette.
La question de l'avenir me taraude.

Et puis l'envie de me taire. Ou que ça se taise.

Ca doit être mon allergie au bonheur qui reprend.

Oïe. Ca passera.
Ecoutons-les, plutôt.

Les 500 d'abord - un exercice amusant, 500 secondes pour vivre et 500 euros à dépenser (ce qui a été généralement laissé de côté, la réponse étant évidente : acheter une Rolex, ou le quart d'une, pour être certain que nous avons réussi nos vies, au moins un peu).

Ca a donné de très belles choses chez Rodolphe-des-çmr, chez Zoé, chez Mamzelle Luna (que j'ai ratée au salon, juste zut, va falloir qu'on se rattrape). Bon, depuis, de l'eau a coulé sous les blogs et je me sens toujours très en retard. Il me faudra quelques jours pour rattraper tout ça.

Des nouvelles de l'art ?

Benjamin Dufour continue son exploration du silence du monde : j'aime son nouveau site "pas à pas".
Il y a aussi les comédiens qui défendent en ce moment Désolés pour le chien : une petite recension ?
À Bruxelles, nous avons sauté de train en train et de table en table pour les photos de Kumi Oguro, propulsées entre autres par les éditions du Caillou Bleu.

Mais si on commence à parler d'éditions et de beauté, on n'en a pas fini. La beauté, on verra demain - il me reste des choses à éponger.

Sinon, Anton m'a demandé de ralentir le rythme des Mardi, je te raconte. Il est de l'ère du multimédia : il voudrait créer lui-même son personnage.

17.3.09

628 - Mardi, je te raconte

Or, donc, Rahoul se rendit compte qu'il existait.
Attention, ça ne se fit pas du jour au lendemain ; il avait eu des indices, des petites découvertes.

Quand les herbes s'étaient mises à pousser, les arbres à se raréfier, il avait testé ce truc de se mettre à l'envers - enfin, pas à l'envers vraiment, juste pas comme d'habitude, avec la tête vers le haut plutôt que vers l'enfant.
(euh ? Vers l'avant, pas vers l'enfant. Ca s'appelle un lapsus, mais comme dit quelqu'un que je devrais voir, tant pis je laisse)

C'était sympa, d'ailleurs, cette sensation ; moins aérien que les jeux dans les arbres, moins rapide que la course à quatre pattes, mais cela donnait une sensation de force et d'importance - et puis on pouvait se passer des arbres, du coup.

Au bout d'un moment, cela faisait bizarre dans la tête, comme si le cerveau se mettait à enfler. Et puis on commençait à voir les choses autrement - à les voir, justement, plutôt que les sentir ou les entendre. Non, parce que tu comprends, tant qu'on était dans les arbres, la vue, ça servait moyen : il y avait du vert, du vert et du vert (et quelques vers blancs à boulotter, mais bon, pas besoin d'une super vue pour ça). Une fois sur le sol, en revanche, on avait besoin de bien distinguer les nuances. Genre imagine le dialogue entre Rahoul et son papa, le vieux Râleur :

- Hé, papa, tu vois, le truc jaune, là ?
- Oué, bof, c'est de l'herbe. Jaune. Mange tes vers au lieu de discuter.
- Euh, papa, c'est pas tout à fait le même jaune. C'est plutôt touffu et un poil plus jaunâtre. D'ailleurs, ça bouge, dis, papa, je peux remonter dans l'arbre ?
- J'en ai marre que tu te grimpes à chaque fois qu'on mange, tu ne peux pas rester en place ?

Puis le papa de Rahoul avait haussé les épaules et abandonné la conversation ; l'instant d'après, Rahoul était dans l'arbre.

L'instant d'après, on entendait un rugissement terrible et un bruit de mâchoires.

...

à la semaine prochaine, petit Rahoul ?

9.3.09

Mardi, je te raconte

Pas de photo cette fois, parce que je suis loin, du côté des Flandres, oui, je te rconterai tout ça un peu plus tard (j'ai même fait un carnet de voyage pour t'expliquer, et puis quelques nouvelles, pour quand tu seras plus grand). Mais je pense à toi, tu sais, à ton petit orteil cassé et à la lumière des pays du Nord que j'aimerais te montrer un jour.

Dans ton histoire, je crois me souvenir que nous en étions à Rahoul, le fils des âges pas louches. Je te le présente vite fait.

Pour ce qu'on en sait, Rahoul a été un animal - pur instinct (on dit déterminisme) - jusqu'à ce qu'il se mette à douter.

Et encore, ce n'est pas certain. Disons qu'à un moment, il s'est mis à penser qu'il pensait.
Un genre d'écho dans sa tête, je crois. Il s'est vu en train de voir (peut-être en se penchant pour boire à une source), s'est entendu entendre sur le sommet d'une montagne ou s'est senti sentir (en reniflant sous son bras ?), je ne saurais te le dire ; en tout cas, il a pris conscience de sa conscience.

Et c'est là, je crois, que les ennuis ont commencé.

Voilà. C'est tout pour cette semaine, puisque j'emprunte un ordinateur. Demain, je suis à Bruxelles, à la recherche de l'aventure ; cela te laisse au moins sept jours pour chercher "conscience" dans un dictionnaire. Ou dessiner Rahoul, si tu préfères - j'adore tes dessins.

4.3.09

626 - Messages à caractère personnel


Mes chers parents je pars (nan, mais c'est juste Michel Sardou et tout ça),

Je tente de mettre en ordre mon bureau déserté - pas gagné, pas facile,

De classifier mes pensées par leur ordre d'appartenance générale (invertébrées majoritairement).

5-12, Bruxelles et alentours ; Foire du Livre, musées, photos peut-être.
13-17, Paris-sur-Seine, happening de lecture dimanche 15 au Salon du Livre, 16h, je ne sais pas très bien où mais vous trouverez si ça vous dit, signature,

Si vous êtes parisien ou bruxellois et que vous avez mon numéro de tél, on peut même se voir et faire la fêtouille* ou.

Et bien sûr qu'il y aurait des pensées pour toi, dans les 500 secondes. Mais elles seraient pleines de regrets, de ne pas pouvoir te connaître et jouer à nous découvrir plus longtemps.


*fêtouille d'autant plus nécessaire qu'il sera l'anniversaire de la auteure que j'accompagne dans ces pérégrinations, ah et puis mon pseudanniversaire aussi.... mais chhhht, ce sera une surprise.

3.3.09

625 - 500 secondes


Tag : jeu pratiqué dans les cours d'école. Voir "Chat" (ou "chat-bite" sur Facebook).
Tagué, donc.

La question du jour : que ferais-tu s'il te restait 500 euros et 500 secondes à vivre ?

Plus un truc compliqué au niveau des illus, c'est expliqué , la 6e photo de mon dossier le plus récent, ok d'accord ça donne hop (mais vous vous l'avez déjà vue, une très chouette série sur le sport des enfants).

500 euros et 500 secondes ? 500 secondes ça fait, attends, moins de dix minutes, 8 minutes et des bananes si je compte bien (en vrai, je ne compte pas, je compte sur Oh!).

Oh, bien sûr, cela dépendrait d'où je me trouverais, de la situation ; mais je crois que je passerais simplement 8 minutes et 20 secondes à respirer, à penser à tout l'amour que j'ai connu, à profiter de chaque battement de mon joli vieux coeur à tenter de me sentir une fois ultime un corps vivant dans l'espace un morceau de matière un élément de l'univers - car quels que soient les mots que se répète cette chose qui est moi elle s'effraie de disparaître peut-être juste après.

Je disciplinerais mon âme pour qu'elle ne s'effarouche ni ne se révolte, car je saurais avec certitude que ce serait inutile ce serait gâcher les 400 secondes qui me restent

Je ferai confiance une dernière fois à mon pouvoir de télépathe pour caresser le destin de mes fils de mes familles de mes amis puis le destin de l'humanité entière et celui de la planète et celui de l'univers (car j'ai parfois peur qu'il tourne mal, on dirait qu'il ne se rend compte de rien),

Je passerais la 250e seconde, et pas une de plus, à penser à ces 500 euros qu'on trouvera dans ma poche, oui ce serait bien qu'ils aillent à quelqu'un, cet échange désormais inutile puisqu'il n'y aura plus que moi-même dans les 200 secondes à venir

Mon cerveau parcourra l'infini mathématique pour tenter de concevoir une dimension où le temps n'ait pas prise, je dirais

Je

puis je dirais

suis

puis je dirais

surtout ne pense pas encore (mais je le penserais, évidemment),
une dernière fois j'aurais un sourire attendri sur mes hésitations,

je penserais à mon père, je le remercierai,
je penserais à mes fils, je les bénirai,
je penserais aux femmes et aux hommes que j'ai tenus dans mes bras

il me semblera peut-être qu'il me reste trop à dire, mais je me rassurerai en pensant que j'ai dit tout ce que je pouvais dire, sans cesse,

à la seconde - 100 une seconde je me soucierai de postérité (puis je penserais comme je le fais d'habitude qu'on a oublié depuis longtemps le nom de ce troubadour du XIIIe siècle qui fit battre le coeur d'une femme dont plus personne ne connaît l'existence par un vers magnifique qui entra en résonance avec le rythme de l'univers)

il me restera 99 secondes pour mâcher un brin d'herbe (et ne plus penser, ah si, à une cigarette),
80 pour gratter de mes ongles un morceau de terre sous le gazon,
68 pour regarder un arbre et cligner de l'oeil à un oiseau,
51 pour regretter de n'avoir aucune libation à offrir à la nature
43 pour entendre penser une pensée idiote en rapport avec Clermont-Ferrand,
39 pour m'apercevoir que je m'absorbe dans les chiffres en oubliant la contemplation,
38 pour contempler,
65
89,
130,
un million et demi de framents de secondes comme dans le paradoxe de Zénon que je n'ai jamais compris,
9 pour penser que j'ai souvent cultivé le paradoxe pour voir pousser les fleurs de la simplicité,

et puis,
6,
4,
3,

je penserai que je m'ennuie, à attendre (pas à cent sous de l'heure, mais à un euro la seconde au moins),

et paf.







Ca va, là ? Bon, maintenant, je fais la passe à 6 blogueurs, c'est ça ?
Finalement, c'est drôle, ce jeu.
Alors bon, ce sera Emmanuelle Urien pour son non-blog, Rodolphe pour ses commentaires (oui, c'est décidé), ZoëLucider pour ce qu'elle cherche, Mam'zelle pour la fête, Franck Garot pour le changer de son chiffre fatidique, et le sixième sera une sixième, tiens, pourquoi pas Patricia Parry ? Parce qu'elle n'a plus le temps d'écrire ? Bon, alors Magali Duru ? Ah bin ça fait sept.

Faut toujours que j'en fasse trop.

624 - Mardi, je te raconte


On en était, souviens-t'en, au vide de l'univers, que tu as accepté avec beaucoup de courage, - tandis que tu plaignais légèrement la psychologue scolaire, parce que j'en disais du mal.

Alors d'accord, je la garderais comme personnage sympathique ; mais comprends bien, mon petit mutant, qu'elle m'a demandé une tache impossible, surhumaine, prométhéenne : te raconter ton histoire.

Oh mardadeu, comme dirait ma mère-grand. Ton histoire... Dans cinquante vies de ça, ton histoire, notre histoire, sera à peine commencée (je te donne un exemple entre mille : dans 17456 ans, une goutte de pluie contenant un atome de ce qui fut mon corps frappera par un après-midi ensoleillé l'oeil d'un batracien qui replongera immédiatement dans une mare ; le soir, il racontera à ses petits têtards quelque chose comme "Et là, le ciel m'a mouillé sur la tête". Les têtards hausseront les épaules et monteront le son de leur MP7, en se disant que le vieux radote, avec ses histoires.

Mais soyons sérieux : ton histoire, donc. En partant du début.

Après le vide, il y eut le Big Bang. C'est du moins ce que disent les scientifiques.

D'autres prétendent qu'un Dieu à tête de bouc prit une patte de crocodile pour fouetter l'air autour de lui, et que cela créa le monde. Pour l'instant, et pour la clarté des débats, conservons le point de vue des scientifiques (je sais, l'autre est poétique et marrant, jusqu'au moment où un monsieur mal habillé et aux lèvres pincées vient t'expliquer que si tu te moques du grand Dieu FiianRazek créateur de l'univers, tu auras plein de problèmes le jour de ta mort, jour que le monsieur mal habillé te promet très proche si tu continues à blasphémer).

Le Big Bang, donc. Genre, à un moment, il n'y a rien du tout, et l'instant d'après, paf, il y a quelque chose.

On aurait beaucoup de mal à le croire si ça ne ressemblait pas autant, par exemple, à ce qui s'est passé pour ta naissance. L'instant d'avant, rien ou quasi - un spermatozoïde et un ovule qui se rencontrent, des petites cellules qui se montent en légo - et puis paf, quelqu'un, quelque chose, un être humain qui vit qui respire qui sent.

Mais revenons à nos Big-Bangs. A partir du moment où l'Univers se décida à exister, il fit les choses en grand. Il se dit, bon, j'ai de la matière, de la lumière, je vais tout repeindre, faire deux-trois étagères par là et trouver un coin qui fasse terrasse pour l'été.

(Sur une lointaine planète que les téléscopes n'ont pas encore découverte, un Gmörk naissait.)

Quelque part entre ailleurs et nulle part, au fond à droite après la barrière temporelle, il y eut une petite planète, pas particulièrement attirante, qui se décida à abriter de la vie.

On ne l'appela pas la Terre tout de suite - d'abord parce qu'il n'y avait personne pour l'appeler, et ensuite parce qu'elle était essentiellement pleine d'eau. Genre, on aurait mieux fait de l'appeler la Eau, si on avait dû l'appeler à ce moment-là.

La planète attendit donc qu'il se passe quelque chose dans l'eau. Un peu comme dans le potage, les poireaux en moins.

Puis, il y eut un point. Juste un
qui faisait comme ça
.

Alors, pourquoi il y eut un point, comment il est arrivé là et pourquoi, si tu me le permets pour aujourd'hui je fais l'impasse. Je glisse. Tout ce que je sais, c'est que le point eut envie de changement.
Il se décida à :

Oui, oui, à :

D'abord. Puis :

Puis
::

Tu vois le genre ? Le point sentit qu'il devait évoluer.

Un très vieux monsieur qui s'appelle Robert Pirsig résume la question de la façon suivante : pourquoi des atomes de carbone s'unissent-ils entre eux pour former une entité complexe d'atomes de carbone que l'on nomme prof de chimie alors que cette entité elle-même est condamnée à périr et à redevenir en dernier lieu des atomes de carbone ? A cette question, le vieux monsieur répond parce que, il appelle ça la Qualité et on en reparlera plus tard.

Donc, le point devint deux points, les deux points quatre points, les quatre 16, le 16 64 (ça c'est faux, c'est que je calcule mal à cause d'un truc que j'ai bu hier soir)... Et il y eut bientôt des points partout.

Je dis points, mais parce que je regarde de loin. De près, c'étaient des cellules (ta tata scientifique t'expliquera ça mieux que moi), c'est à dire des bulles avec un point à l'intérieur.

Et toutes ces bulles firent des créatures ; au départ, elles s'amusèrent à faire n'importe quoi, genre les trilobites qui ont un nom rigolo et les coelecanthes qui ont une gueule de raie ; puis, après s'être essayées pendant quelques millions d'années au style "gros lézard avec des dents partout", et pour des raisons obscures, les bulles se recyclèrent dans le mammifère.

C'est à peu près à ce moment-là qu'apparut Rahoul, le fils des âges pas cool, et du coup notre ancêtre commun.

Attention : il serait faux de penser que l'évolution des bulles amena à lui seulement. Du point de vue du coelecanthe, il ne s'est pas passé grand-chose depuis le début, et ces étranges créatures roses à deux nageoires caudales qui habitent les profondeurs aériennes abyssales sont sans grand intérêt (sauf quand elles crachent dans le potage océanique).


C'est tout pour cette semaine. La semaine prochaine, je serai à Bruxelles (à cause des livres) et la semaine suivante à Paris (toujours à cause des livres, mais je te promets que je vais essayer de faire des mangas, comme Shigurô) ; j'essaierai de trouver les moyens techniques de te poster la suite.

2.3.09

623 - Ca me rappelle sans cédille parce que


Rodolphe Artaud, dont j'aime les çmr hedromadaires (ils n'ont qu'une bosse) se demandait récemment si sa rubrique oulipique pouvait inspirer ses lecteurs ; son n°45, intitulé Gaston Lagaffe, m'a déclenché ce qui suit :


"Donner, c'est recevoir" me rappelle que j'ai déçu mon père
La fête, les tirettes à combien, 50 Centimes ? Plaisir d'offrir (juste ça, plaisir d'offrir, sur une boîte en carton aux motifs géométriques rangée dans une vitrine , la fente, le tiroir - je me souviens de leur forme exacte, il fallait mettre 4 doigts en crochet par en-dessous et tirer avec une certaine force, parfois il fallait demander à un adulte - aujourd'hui, je m'en sortirais mieux mais cette position n'existe plus guère en dehors de certains sexes particulièrement accueillants).

Mais le souvenir qui nous préoccupe n'est pas lié à cette sensation, sinon par la déception que l'on éprouvait toujours plus ou moins en ouvrant la boîte, le cow-boy s'était transformé en bague pour filles et le pistolet à amorces en voiture assez laide.

Ce soir-là à la fête, il y avait Goldorak en cadeau dans le stand de tir - une des premières statuettes japonaises dans une des premiers mauvais plastiques. Il se balançait au bout d'un tube en plastique blanc. Contrairement aux autres lots de la cahute, on ne le gagnait pas après avoir tiré 6 ou 7 ballons (ce qui était simple pour peu que l'on ait la patience d'attendre qu'ils se coincent entre eux). Non, la cible était le fameux cylindre en plastique : le plomb était sensé le fêler, l'ouvrir, libérer le Goldorak qui serait devenu mon robot personnel (avec un peu de chances, on me laisserait mettre des vêtements moulants et un plastron en forme d'ailes, comme celui d'Actarus).

Un cylindre blanc, de la taille approximative d'une cigarette. Plaisir d'offrir, joie de recevoir.
Mon père m'avait donné dix francs, sur lesquels j'avais toute liberté.

Une seule balle, un seul tir : dix francs.

J'étais très sûr de moi, à l'époque. Mon père m'a demandé si j'étais sûr de vouloir courir le risque. Oh j'étais sûr.

J'ai payé de ma jolie pièce toute dorée au design plein de traits, j'ai mis en joue, patiemment, attendu d'être, respiré,

(je ne savais pas encore qu'il faut être la balle la flèche et la cible)

tiré, sûr,

le cylindre blanc

qui n'a pas bougé.




Et c'était terminé. Je n'ai pas pleuré les larmes qui me montaient aux yeux, pas pleuré quand mon père a haussé les épaules, désolé pour moi.

Il n'a jamais dit que cela me servirait de leçon. Jamais stigmatisé mon assurance. Jamais, non plus, endossé un costume de super-héros pour tirer à ma place, ni négocié pour moi le Goldorak au forain. Lequel forain n'a pas non plus senti la dimension tragique de l'affaire, et décroché le monstre nippon pour me l'offrir en récompense de ma bravoure, de ma décision et pour me faire oublier ma malchance.

Je n'ai pas envisagé un entraînement militaire qui durerait plusieurs mois pour devenir tireur d'élite ; à l'époque, je penchais plutôt pour une carrière de démiurge qui m'aurait permis de remonter le temps et modeler Goldorak à mon image triomphante.

Mais j'ai su depuis ce temps que j'avais dû décevoir mon père. J'aurais voulu lui prouver à quel point la détermination est importante, à quel point elle conditionne tout ce que nous faisons. J'aurais voulu lui montrer que j'avais eu raison de tenter le coup. J'aurais voulu lui dire que je savais ce que je faisais (comme plus tard de lui dire que j'avais arrêté la cigarette ou réussi à sauver mon mariage ou à devenir un père parfaitement heureux).

Donner, c'est recevoir. Pour moi, c'était un peu dans l'autre sens, et j'ai toujours trouvé que donner, c'est donner (reprendre c'est voler) et que j'aurais voulu recevoir davantage (un clin d'oeil de Dieu, par exemple, me projetant dans la dimension où j'avais abattu le Golgoth qui tenait Goldorak).



Et la réponse de Rodolphe :

"Riad Sattouf (qui dessine dans Charlie Hebdo et Fluide) raconte dans "ma circoncision' qu'il espérait pour sa circoncision un Goldorak, pour le consoler de la perte (qu'il pressentait douloureuse) de son prépuce. Tu as eu de la chance: il y a des manières bien pire de ne pas avoir un Goldorak."


622 - Lundi, on écoute


... on écoute des histoires, c'est le plus simple.

Mais, hey hey hey ! si vous repassez sur ce post, il y a du nouveau plus bas et sur certains liens : si c'est pas de l'interactif, ça...

D'abord celles d'un nouveau blog, celui du très talentueux Sylvain Loyseau et de son projet 1095. De l'électro, peut-être, en tout cas des compositions impressionnistes impressionnantes.

Puis celle d'un vieux blog, le LoFi des objets sonores, qui parle aujourd'hui de communication.

Celles, très enchâssées, de Rodolphe ; cette semaine, coïncidence, ça parle de Bruxelles, où je me rends en fin de semaine, pour assister en particulier aux séances de dédicace (le 6 et le 7) de la très belle Emmanuelle Urien (attention nouveau lien !) dont le dernier roman etc.

Et puis on écoute aussi le bruit que fait la pluie quand elle tombe sur un moment de calme - juste avant la tempête ?

La tempête, dont Franck Garot raconte les conséquences dans un très joli compte à rebours...

On peut également découvrir le très beau blogrêve de Mamzelle Luna dont une amie m'envoie le lien : j'aime.

Finalement, chaque lundi, j'ai envie de croire à la semaine.